= La pensée sauvage =

Levis Strauss distingue la science et la magie. Pour lui, ce sont deux voies parallèles pour organiser et comprendre le monde. La magie est une sorte de bricolage qui travaille sur l'apparence des choses avec analogie et rapprochements. La magie se base sur les évènements pour inventer des structures, la science invente des structures puis les teste. Il s'agit de deux façons différentes de procéder, inversées. La magie peut précéder la science dans la découverte de la réalité mais a moins souvent raison.

"La réflexion mythique apparaît comme une forme intellectuelle de bricolage. La science tout entière s’est construite sur la distinction du contingent et du nécessaire, qui est aussi celle de l’événement et de la struc­ture. Les qualités qu’à sa naissance elle revendiquait pour siennes étaient précisément celles qui, ne faisant point partie de l’expérience vécue, demeuraient extérieures et comme étrangères aux événements : c’est le sens de la notion de qualités premières. Or, le propre de la pensée mythique, comme du bricolage sur le plan pratique, est d’élaborer des ensembles structurés, non pas directement avec d’autres ensembles structurés, mais en utilisant des résidus et des débris d’événements : « odds and ends », dirait l’anglais, ou, en français, des bribes et des morceaux, témoins fossiles de l’histoire d’un individu ou d’une société. En un sens, le rapport entre diachronie et synchronie est donc inversé : la pensée mythique, cette bricoleuse, élabore des structures en agençant des événements, ou plutôt des résidus d’événe­ments, alors que la science, « en marche » du seul fait qu’elle s’instaure, crée, sous forme d’événements, ses moyens et ses résultats, grâce aux structures qu’elle fabrique sans trêve et qui sont ses hypothèses et ses théories.
[...]
Exemple :
"Les Peul du Sou­dan classent les vé­gé­taux en sé­ries, cha­cune en re­la­tion avec un jour de la se­maine et avec l'une des huit di­rec­tions :
« Le vé­gé­tal... doit être col­lecté en fonc­tion de ces di­verses clas­si­fi­ca­tions... Écorce, ra­cine, feuilles ou fruits doivent être pré­le­vés en rap­port avec le jour du mois lu­naire au­quel cor­res­pond le vé­gé­tal, en in­vo­quant le lâre, « es­prit gar­dien » des trou­peaux qui est en rap­port avec la sé­quence du mois et en fonc­tion de la po­si­tion du so­leil. Ainsi, le si­la­tigi, en don­nant ses ins­truc­tions, dira-t-il par exemple : « Pour faire telle chose, tu pren­dras la feuille d'un épi­neux grim­pant et sans écorce, tel jour, lorsque le so­leil se trou­vera dans telle po­si­tion, en re­gar­dant telle di­rec­tion car­di­nale, en in­vo­quant tel lâre. »"

Même à notre époque, en France, certaines jardiniers travaillent avec un calendrier lunaire basé sur les 4 éléments.

Il y a trois aspects dans l'art : l'art est influencé par le modèle (l'occasion), la matière (l'exécution) et l'usager (destination)/ Ces influences sont plus ou moins fortes selon l'oeuvre. L'art académique n'accorde pas d'importance à la matière (on peut tout faire en peinture de nos jours) ni à l'usager. Il n'accorde d'importance qu'au sujet, ce qu'il a envie de peindre. L'art appliqué, c'est à dire l'art sur les objets de la vie courante accorde plus d'importance à la destination.